Les Chroniques de Loutre-Monde : Eastern Tails – Épisode 27

Yûzô Kazehiko

Yûzô se réveilla aux premières aurores. Car même s’il était certain d’entendre Yukito et ses troupes arriver, il préférait être prêt au moment où ils débarqueraient à l’école. Au moins il était content, puisque cette fois-ci, il n’avait pas à essayer par tous les moyens d’être discret pour se lever, Naomi s’occupant de Mamoru dans une chambre assez éloignée. Tout le monde avait encore besoin de dormir.

Il se prépara rapidement un petit quelque chose à grignoter, puis partit en direction de la cour, où il s’assit pour manger.

Deux heures passèrent et toujours personne en vue.

« Toujours pa…aaaagh, arrivé ? » demanda Jun en baillant.

Yûzô soupira. « Non… À l’époque, quand il avait quelque chose à faire, il s’en débarrassait au petit matin.

— Après, j’imagine qu’il s’occupe de son fils… » proposa Jun.

« Possible. »

Jun commença à s’asseoir aux côté de son père. « Non, mais qu’est-ce que tu fais ?

— Bah quoi ? Je vais l’attendre avec toi.

— Oui, super idée. » répondit Yûzô d’un ton sarcastique. « S’il te voit direct en arrivant, c’est clair qu’il va bien le prendre. »

Jun sentit l’état de nervosité de son père. « Je suis en grande partie responsable de tout ça. Il faut bien que je lui présente des excuses pour son fils.

— Tu… Tu tiens vraiment à perdre un œil ? Chez lui, si un tort a été commis, il demande toujours un sacrifice en retour. Et je ne suis pas prêt de te voir te mutiler pour calmer son ire, donc tu rentres. »

Jun s’assit. « Hors. De. Question. Si ça se trouve, il a suffisamment changé pour être raisonné avec des mots. »

Les paroles naïves du jeune homme firent se crisper le visage du père. « Et crois-moi, vu tous les rapports que j’ai entendu, je suis plus ou moins certain que c’est le contraire. Rentre. À. La. Maison. »

Voyant qu’il n’y avait aucun moyen de raisonner son père, Jun se leva, contrarié. « Bon, d’accord. Mais si jamais il me demande, je rapplique.

— Non, tu ne le feras pas. » Jun partit vers la porte de la maison sans dire un mot. Yûzô se retourna. « Tu ne le feras vraiment pas, oh ! » N’entendant aucune réponse, Yûzô grogna.

***

Ryû Sasaki

Le jour s’était déjà bien levé lorsque Ryû vit son père se réveiller. Il avait veillé sur lui et Iori une bonne partie de la nuit. « Ça va, Papa ? »

Yukito se frotta le visage. « Oui, oui. Juste encore un peu fatigué. » Il regarda par la fenêtre. Ses sourcils se froncèrent. « Il est quelle heure ?

— Bientôt neuf heures, Monsieur Sasaki.

— … Ah. J’espère qu’ils ne m’attendaient pas, là-bas. »

Ryû vit son père se lever du lit. « Tu ne vas pas les tuer, non plus, hein ? »

Yukito marmonna quelque chose à propos du fait que ses vêtements étaient sales. Il se tourna vers son fils. « Hein, quoi ?

— Les Kazehiko… Tu ne vas pas les tuer ? »

Yukito fit un geste rassurant. « Ne t’inquiètes pas pour ça. Yûzô est un vieil ami et je pense que le lien n’a pas totalement été rompu… » Il se tourna et vit l’expression confuse du médecin. Puis il se retourna pour lancer un regard noir à son fils, qui était en train de potentiellement créer des rumeurs à propos d’un Yukito compatissant. D’un air faussement menaçant, il dit. « Par contre, si ça avait été quelqu’un d’autre, il aurait totalement clamsé de ma main ! En signe de représailles, pour toi, je ferai brûler son école et les condamnerai à l’exil ! »

Ryû se mit à réfléchir, puis décida de jouer le jeu. « Mais… Ça veut dire que l’on possèdera la première école du pays ! Tu peux pas le faire sans le battre dans un duel. »

Le regard de Yukito se dirigea furtivement vers le médecin sans qu’il ne se retourne. « Oh, un duel je ferai. Mais peu importe que je gagne ou que je perde, son école brûlera à midi ! »

Ryû vit l’expression terrifiée du médecin. « Mais… Mais vous êtes un monstre déloyal ! »

Le père de Ryû se retourna vers le médecin avec un regard furieux. « Gare à ta langue, toi, si tu ne veux que je la coupe ! » Le médecin recula. « … Mais oui, je suis un monstre déloyal, je l’admets. Cependant, vous comprendrez bien que je fais ça aussi pour l’honneur de mon fils. » Le médecin resta muet. « Bien. D’ailleurs, préparez-vous à éteindre l’incendie, mais pas avant que l’école n’aie bien brûlé. Pas non plus envie d’endommager la Nature environnante. Mes hommes s’assureront que vous n’interveniez pas trop tôt. »

Ryû fit un faible signe à son père de s’approcher.

Yukito fit un geste à son fils. « Attends deux secondes, j’ai un petit truc à faire. » Il se tourna vers le médecin. « Veillez sur lui, s’il vous plaît. »

Le chef du clan Sasaki sortit. Ryû l’entendit convoquer Nagatsuki, une de ses meilleures alliées. Il n’entendit pas le reste de la conversation, puisque son père faisait exprès de murmurer quelque chose, mais il put voir de la fenêtre Nagatsuki s’incliner, puis partir.

Yukito rentra à nouveau dans la clinique, puis demanda au médecin de partir, ce qu’il fit sans plus attendre.

« Papa, je… » L’espace d’un instant, le jeune homme était perdu dans ses pensées. « Tu… Pourrais dire à l’enfant des Matsumae que je suis vraiment désolé pour ce qu’il s’est passé ? »

Yukito parut attristé. « Je ne pense pas qu’aujourd’hui soit le meilleur moment, Ryû. Mais plus tard, s’il est prêt à accepter tes excuses, tu pourras. »

Ryû fixa le sol quelques instant. « … D’accord. Et… Ne leur fais pas de mal.

— Comme si j’avais l’intention de faire ça. Faut juste que mon frère soit coopératif… Bah, dans tous les cas, je reviendrai te voir tout à l’heure. On a encore deux-trois préparations à faire. »




Instant making-of : Le calme avant la tempête.

Quelque chose que vous avez probablement remarqué depuis le temps : j’ai une fascination pour écrire une situation sous tous ses angles.

Passés. Présent. Et Futurs.

Préparation. Action. Et Conséquences.

Et même si la thématique centrale de Leo Davis et Eastern Tails est la « Conséquence », je trouverais stupide de ne montrer que les conséquences des actions sans mettre assez de pions en place pour que vous ressentiez pleinement lesdites conséquences et compreniez le pourquoi des actions. Et c’est aussi la raison pour laquelle je voulais caser ces deux scènes en particulier, car Yûzô était jusqu’à présent presque entièrement vu sous le spectre du côté des « gentils » et je voulais quelque peu nuancer ce propos, tandis que je voulais aussi renforcer cette image de « méchant par obligation » de Yukito, car le présenter tout simplement comme un bad guy sans nuance pour révéler sa véritable nature à la toute fin ne collait pas trop avec ma philosophie d’écriture (même si à la base, je voulais mettre toutes les scènes de flashback révélant le rôle de victime de Ryû dans toute cette affaire qu’après le duel… Mais vu que l’on jongle déjà avec quatre groupes de personnages, rajouter des flashbacks  ce moment-là aurait certes créé un plot twist à la con, mais aussi aurait totalement pu vous perdre… Et me perdre aussi).

De plus, et je sens que vous l’avez totalement vu : j’adore écrire les scènes de vie où les personnages interagissent entre eux, donc m’occuper de ces deux séquences était vraiment fun à faire. Et ça m’a permis de caser une ligne digne d’un roman écrit par des mains bien plus habiles que les miennes pour faire ressortir le fait que Yukito joue au final un simple rôle. Est-ce subtil ? Pas vraiment. Mais est-ce que ça m’a fait rire intérieurement ? Bien plus que vous pouvez l’imaginer ♫

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